P.S. Please don't think I'm a nutcase,

Fac d’économie de Boston. Massachussetts.

Eliott Hopkins, un jeune étudiant en économie, sortait de son dernier cours de la journée. Quelques pas le ramenèrent à sa voiture sur le parking du campus. Il fronça les sourcils, intrigué par la présence d’une feuille pliée et déposée soigneusement sous le balai de son essuie glace. Il s’en empara, la déplia et découvrit une écriture fine et soignée. Une lettre. Au siècle des portables et d’internet, ce mode de communication était devenu quelque chose de rare. Etonné mais curieux, le garçon se plongea dans la lecture de cette note. L’auteur était une étudiante de la faculté, une jeune femme qui apparemment désirait le rencontrer. Elle lui laissait son numéro de téléphone. En bas de la feuille, le post scriptum le fit rire. « S’il te plait, ne me prends pas pour une tarée ». Complètement charmé, le garçon attrapa son téléphone portable et composa le numéro de la mystérieuse expéditrice.

Et c’est ainsi que tout débuta…

L'amour excuse tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout.

North Hampton, appartement d’Eliott

« Un an ça passe toujours vite pas vrai ? » Eliott ne cessait de repenser à cette question, innocente et simple. Un an. 365 jours. 8766 heures. 525 948 minutes. 31 556 926 secondes. Les paroles de Léa résonnaient dans sa tête, tout comme la réponse qu’il lui fit alors. «Oui.» A présent, il fallait se rendre à l’évidence. Ils s’étaient tous deux voilés la face. Une année c’est long. Très long. Surtout quand il s’agit de la passer loin de l’être aimé. « On ne verra pas le temps passé et on sera déjà ensemble. » Chaque phrase de cette conversation qu’ils avaient eu la veille de son départ le hantait. Ils étaient alors insouciants, inconscients de la galère qui les attendait. Les études finies, l’étudiant était entré dans l'entreprise familiale, une boite qui lui tenait à coeur, un peu l'ultime lien qu'il gardait avec son défunt père. Un jour il la dirigerait à son tour... Eleanor, elle, avait eu cette immense opportunité. Un poste de rédactrice en chef. Une place qui ne se refuse pas. Dommage que ce soit si loin, à Bordeaux…

5500 km les séparaient à présent…

Les liens se font et se défont, c'est la vie. Un matin, l'un reste et l'autre part, sans que l'on sache toujours pourquoi.

North Hampton, pub de la ville

« Ca se passe bien pour Léa ? » demanda Mark, un collègue et ami du jeune homme lorsqu’ils se retrouvèrent quelques temps plus tard autour d’un verre. « Aux dernières nouvelles, oui… » répondit Eliott d’un ton las qui trahissait son humeur morose. « T’en fais pas si elle t’aime, elle reviendra… » Ces paroles avaient le don de le faire enrager. Ce genre de phrases toutes faites qu’on vous sort à tout moment, à toutes les sauces. « Si elle m’aime, elle ne serait pas partie. » ne pouvait-il s’empêcher de penser égoïstement. Ses songes étaient complètement hantés par elle : ce qu’elle fait, où, quand et surtout avec qui ? Aucun coup de téléphone, aucune lettre, aucun sms ne suffisaient à satisfaire son besoin d’elle. « Tu me manques. » « Cette situation me tue un peu plus chaque jour Lea. » Voilà à quoi ressemblaient leurs conversations téléphoniques, cette situation les bouffait tous les deux. Elle avait proposé de quitter son job, de revenir aux états unis le rejoindre. Mais ce poste en France, c’était une chance unique. Il ne supporterait pas de l’en priver. Lui même avait songé à lâcher son boulot. Cependant, jamais il ne retrouverait un poste de responsable commercial de si tôt, et il tenait vraiment à cette boîte... C’était compliqué, une impasse… Il fallait s’accrocher, tenir le coup.

Mais se voir seulement deux semaines en quatre mois, cela ne suffisait pas, cela ne suffirait plus…

Distance doesn't ruin a relationship, doubts do

North Hampton, entreprise de menuiserie Hopkins

« Comment ça va avec Léa ? » demanda Mark, alors que les deux hommes profitaient d’un moment d’alcalmie au travail pour se retrouver devant la machine à café. «C’est fini… » Ce fut incroyable la facilité avec laquelle ses paroles s’échappèrent de sa bouche, combien ces huit lettres furent prononcées facilement alors qu’il était incapable de les accepter. Le visage de son collègue s’assombrit, mal à l’aise, gêné, regrettant déjà d’avoir posé cette question. «C’est peut être mieux comme ça… » Une jolie blonde arriva, interrompant leur conversation. «Je peux me joindre à vous ? » demanda-t-elle avec un air poli. Eliott secoua la tête, sans vraiment prendre le temps de regarder la nouvelle venue. Mais son collègue ne voyait pas les choses ainsi, il sauta sur l'occasion, se servant de la jeune femme comme diversion. «Hey, Jules ! Salut toi ! » lui fit-il avant de la présenter à son ami : «Eliott, je te présente Jules. C’est la nouvelle secrétaire qu’on vient d’embaucher. Jules voici Eliott, notre responsable commercial. Je vous laisse, j’ai à faire» Et Mark fila rapidement vers son bureau, plantant les deux jeunes gens ensemble. « Désolée pour ça. J’ai eu le malheur de dire à Mark que je venais de débarquer ici et que je ne connaissais personne. Il se croit obligé de me présenter à tout le monde à présent. » lui expliqua la jeune femme avant de lui adresser un sourire sincère et charmant. Il émanait d'elle une sérénité séduisante qu’Eliott ne put s’empêcher de remarquer. « J’ai grandi ici. Et puis j’ai fait mes études à Boston, je connais plutôt bien le coin… » l’informa-t-il. « Alors on devrait aller boire un verre un de ces quatres. » proposa-t-elle ensuite. Eliott hésita. Il s’apprêtait à répondre qu’il avait déjà quelqu’un dans sa vie, qu'il venait de vivre une histoire compliquée, que de sortir avec elle risquait d'envenimer les choses encore davantage, mais finalement, lorsqu’il ouvrit la bouche, ses paroles furent complètement différentes : « Oui pourquoi pas ? On devrait se faire ça… »

Tu as été l'amour de ma vie. Mais moi je ne suis qu'un chapitre dans la tienne.

North Hampton, rue adjacente à l’appartement d’Eliott

C’était devenu une obsession. Lea, toujours elle. Pourtant, il avait Jules à présent. La petite amie parfaite. Renversante, douce, patiente. Il avait beau s’amuser avec la belle blonde, partager son appartement, sa vie quotidienne, ses loisirs avec elle, la brune continuait de le hanter. Toujours. «Alors ta valise est prête ? » demanda Jules avec son éternel sourire alors qu’ils marchaient main dans la main vers leur appartement. Quand on lui avait dit qu’il irait à Bordeaux en déplacement avec elle, pour régler une grosse commande de meuble, ce fut tout de suite à Lea qu’il pensa, et non pas aux agréables nuits dans un hôtel de luxe payées par le comité d’entreprise qu’il passeraient dans les bras de Jules. Il tourna la tête vers la jolie blonde : «Pas tout à fait encore, je vais finir cela ce soir. » Elle avait lu dans ses yeux, l’étincelle Lea, celle qui s’allumait dès qu’on parlait de la France, dès qu’on parlait de la presse, dès qu’on parlait de ses années fac, dès que le souvenir de son ex-petite amie surgissait. «C’est là qu’elle habite pas vrai ? » fit-elle sur un ton qui ne traduisait ni colère, ni jugement. Il baissa les yeux, sans dire un mot, continuant à marcher. Un silence pesant s’installa entre eux, plus clair que n’importe quelle réponse. Jules lâcha simplement la main du jeune homme. «Je dois passer en France pour le travail avec une collègue. Tu penses que je pourrais venir te voir quelques jours ? » avait-il écrit à son ex. Bien sûr, Jules serait là. Bien sur qu’il avait conscience que ce n’était pas correct de faire souffrir ainsi sa petite amie. Pourtant, il fallait qu’il la voit, c’était plus fort que lui… C’était avec Jules qu’il était à présent… Lea avait probablement refait sa vie elle aussi…